Saint Julien

La Légende de Saint-Julien l'Hospitalier

D'après la légende Dorée de jacques de Voragine
On trouve encore un autre Julien qui tua son père et sa mère sans le savoir.
Un jour, ce jeune noble prenait le plaisir de la chasse et poursuivait un cerf qu'il avait fait lever, quand tout à coup le cerf se tourna vers lui miraculeusement et lui dit : "Tu me poursuis, toi qui tueras ton père et ta mère ?" Quand Julien eut entendu cela, il fut étrangement saisi, et dans la crainte que tel malheur prédit par le cerf lui arrivât, il s'en alla sans prévenir personne, et se retira dans un pays fort éloigné, où il se mit au service d'un prince; il se comporta si honorablement partout, à la guerre, comme à la cour, que le prince le fit son lieutenant et le maria à une châtelaine veuve, en lui donnant un château pour dot.
Cependant, les parents de Julien, tourmentés de la perte de leur fils, se mirent à sa recherche en parcourant avec soin les lieux où ils avaient l'espoir de le trouver.
Enfin ils arrivèrent au château dont Julien, était le seigneur : Pour lors saint Julien se trouvait absent. Quand sa femme les vit et leur eut demandé qui ils étaient, et qu'ils eurent raconté tout ce qui était arrivé à leur fils, elle reconnut que c'était le père et la mère de son époux, parce qu'elle l'avait entendu souvent lui raconter son histoire.
Elle les reçut donc avec bonté, et pour l'amour de son mari, elle leur donne son lit et prend pour elle une autre chambre.
Le matin arrivé, la châtelaine alla à l'église; pendant ce temps, arriva Julien qui entra dans sa chambre à coucher comme pour éveiller sa femme; mais trouvant deux personnes endormies, il suppose que c'est sa femme avec un adultère, tire son épée sans faire de bruit et les tue l'un et l'autre ensemble.
En sortant de chez soi, il voit son épouse revenir de l'église; plein de surprise, il lui demande qui sont ceux qui étaient couchés dans son lit : "Ce sont, répond-elle, votre père et votre mère qui vous ont cherché bien longtemps et que j'ai fait mettre en votre chambre."
En entendant cela, il resta à demi mort, se mit à verser des larmes très amères et à dire : "Ah! malheureux! Que ferais-je ? J'ai tué mes bien-aimés parents. La voici accomplie, cette parole du cerf; en voulant éviter le plus affreux des malheurs, je l'ai accompli. Adieu donc, ma chère soeur, je ne me reposerai désormais que je n'aie su que Dieu a accepté ma pénitence."
Elle répondit : " Il ne sera pas dit, très cher frère, que je te quitterai; mais si j'ai partagé tes plaisirs, je partagerai aussi ta douleur."
Alors, ils se retirèrent tous les deux sur les bords d'un grand fleuve, où plusieurs perdaient la vie, ils y établirent un grand hôpital où ils pourraient faire pénitence; sans cesse occupés à faire passer la rivière à ceux qui se présentaient, et à recevoir tous les pauvres.
Longtemps après, vers minuit, pendant que Julien se reposait de ses fatigues et qu'il y avait grande gelée, il entendit une voix qui se lamentait pitoyablement et priait Julien d'une façon lugubre, de le vouloir passer. A peine l'eut-il entendu qu'il se leva de suite, et il ramena dans sa maison un homme qu'il avait trouvé mourant de froid; il alluma le feu et s'efforça de le réchauffer, comme il ne pouvait réussir, dans la crainte qu'il ne vînt à mourir, il le porta dans son petit lit et le couvrit soigneusement. Quelques instants après, celui qui paraissait si malade et comme couvert de lèpre se lève blanc comme neige vers le ciel, et dit à son hôte : "Julien, le Seigneur m'a envoyé pour vous avertir qu'il a accepté votre pénitence et que dans peu de temps tous deux vous reposerez dans le Seigneur."
Alors il disparut, et peu de temps après Julien mourut dans le Seigneur avec sa femme, plein de bonnes oeuvres et d'aumônes.

Traduction J.-B. M. Roze
GARNIER-FLAMARION, Paris, 1967.


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